"Photographier les nuages, c’est montrer ce que chacun peut voir librement. Le spectacle des nuages est accessible à tous et à tout moment. Les nuages sont un appel à l’imagination, au sens où Bachelard l’entendait : « elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par notre perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images ». Transformer l’image d’un nuage par l’imagination est une activité courante de l’esprit, qui vagabonde à son tour : la mobilité de la pensée en écho à la mobilité des nuages. Si l’image du nuage est associée à la rêverie, elle n’en est pas moins associée à celle de notre nature périssable, mortelle, comme dans les memento mori. Le mouvement des nuages semble le plus à même de figurer la vulnérabilité, la nature instable et mortelle de tout être ou chose." extrait de "Figures de l’éphémère. Sur la dimension de memento mori de la photographie", que j'ai publié en 2012.
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dimanche 15 février 2015
samedi 29 octobre 2011
Patrick Bailly-Maître-Grand au Quai
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LES MAXIMILIENNES (1999) |
Invité par Anne Immelé, Patrick Bailly-Maître-Grand a présenté ses images aux étudiants du Quai, école supérieure d'art de Mulhouse. Secrets de fabrication, magie, éblouissement sont au programme. La poétique de l'immémorial et de l'éphémère est à l'oeuvre dans cette oeuvre en constant hommage à la photographie du 19e siècle, celle de William Henry Fox Talbot ou de Jules-Etienne Marey. La mort : le mot de sera jamais directement prononcé par Patrick Bailly-Maître-Grand, pourtant elle est visible dans les séries successivement projetées. Le photographe préfère parler de tragique, de vanité, d'éternité pour déployer ses différents visages. Les Morphés apparaissent tels des masques mortuaires lumineux : "un blanc paradisiaque". Le tragique transparaît dans Formol's band et la figure du revenant ou du fantôme de l'histoire, apparaît dans la chemise de Maximilien ( Les maximiliennes ). L'attrait pour l'éphémère se traduit dans les séries consacrées aux insectes, dans une longue contemplation des mouches, des fourmis et des araignées. Concernant Les longues vanités, Patrick Bailly-Maître-Grand écrit : "Pour évoquer la mort, on parle de disparition ou bien de traversée du fleuve Styx. J'aime cette idée d'évaporation ou de croisière car elle suppose, en adieu, une lente dissolution du temps qui berça tous nos gestes, avant. Ici un crâne passe du positif au négatif, du jour à la nuit, via l'artifice technique de la solarisation progressive. De par ce procédé, cette image contient donc un autre temps, différent et superposé à celui de la prise de vue proprement dit. Un temps long. Un écho à la mythologie et à ce Kronos qui, gardien des heures, dévorait aussi ses enfants."
Cette rencontre précède l'exposition de Patrick Bailly-Maître-Grand et Laurence Demaison à la Galerie de La Filature, scène nationale de Mulhouse. Vernissage le 2 novembre à 19h, précédé de la conférence de Muriel Berthou Crestey à 18h.
jeudi 20 octobre 2011
UNDER DESTRUCTION
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Adrian Villa Rojas, Poems for Earthlings. Photo Anne Immelé |
"Marchant dans le jardin des Tuileries, la vue du promeneur est interpellée par une ligne massive qui s'avère être un volume lorsque l'on s'approche. Ce volume s'apparente à une valeur d'usage (conduit d'évacuation des eaux usées ? Oléoduc ?). Une telle disgrâce ne peut qu'être le produit de l'utilitaire. Or il n'en est rien, il s'agit d'une oeuvre d'art, celle d'Adrian Villa Rojas, intitulée Poems for Earthlings. En s'approchant de cet ouvrage imposant et monumentale, le spectateur est frappé par sa fragilité : réalisée en argile, cette oeuvre est éphémère. Cette tension entre le monumentale et l'éphémère fait sens, comme les oeuvres en plâtres de Monica Bonvicini (Plastered 1998). L'altération de la matière sous l'effet du temps fait son oeuvre, l'argile s'effrite; le spectateur se rappelle alors la minéralité de ce temple filmé par Jean-Daniel Pollet dans BASSAE, il se souvient que : "tout retournera donc à la boue, à la cendre. Rien ne peut défier le temps." Combien de temps faudra-t-il pour détruire cette oeuvre de Villar Rojas ? Le promeneur des Tuileries ne pourra pas le savoir car un mois ne suffit pas à opérer une destruction physique. La destruction devient imaginaire, appartenant à cet univers de la fascination pour une ruine qui n'existe pas encore, une ruine en devenir. Il ne lui reste plus qu'à contempler Bassae, ruines bien réelles, filmées par Pollet en 1964." A.Immelé
Adrian Villa Rojas, intitulée Poems for Earthlings
08/09/2011 - 24/10/2011 au Jardin des Tuileries, Paris
mardi 31 mai 2011
Geschichtsmüde
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© A.Immelé, Berlin, mai 2010
"Toutes les villes sont géologiques et l’on ne peut faire trois pas sans rencontrer des fantômes, armés de tout le prestige de leurs légendes. Nous évoluons dans un paysage fermé dont les points de repère nous tirent sans cesse vers le passé." Gilles Ivain, Formulaire pour un urbanisme nouveau, revue internationale situationniste N°1, 1958.
Dans sa conférence The idea of Europe / Une certaine idée de l'Europe, George Steiner rappelle la souveraineté du souvenir qui domine l'Europe. Il prend pour exemple les plaques de rue au noms de penseurs, écrivains, scientifiques ou les vieux quartiers de villes telles que Dresde ou Varsovie, pour invoquer la coexistence des temporalités, qui provoque pour le promeneur une déambulation entre des spectres matérialisés : " Il est très difficile de traduire en mots la chaleur, l'aura que le temps authentique, le temps qui est un processus vécu, donne au jeux de lumière sur la pierre, dans les cours, les faîtes de toits. Dans l'artifice de la reconstruction, la lumière a un goût de néon." Mais ce poids du passé, s'il est un héritage culturel, n'en demeure pas moins un problème : "Un européen lettré est captif dans la toile d'araignée d'un In memoriam à la fois lumineux et suffocant." George Steiner souligne l'importance de ce poids du passé, mais aussi sa lourdeur, sa capacité à empêcher d'aller vers l'avant, vers le futur et le progrès. En cela il oppose la culture européenne et américaine, qui récuse ce tissage du passé. Dans ces notes George Steiner utilise le mot allemand "Geschichtsmüde", qui signifie "fatigué de l'histoire", mot ancien qui l'obsède. Cette conception d'une Europe habitée par les spectres du passé, n'est pas sans nous rappeler cette "pensée de la trace" que l'on trouve chez Derrida.
Cette souveraineté du souvenir rappelle la constitution des identités nationales qui procèdent par la construction d'une histoire établissant la continuité avec les lointains ancêtres. Dans "La création des identités nationales en Europe 18e-19e siècle", Anne-Marie Thiesse explique comment les identités nationales européennes se sont construites au XVIIIe siècle, à partir de quelles procédures - ancêtres, héros, langues, folklore, hymne, drapeau, monuments culturels. Se demandant de quoi est constituée une nation, Anne-Marie Thiesse rappelle cette citation d'Ernest Renan : " C'est un riche leg de souvenirs. Le culte des ancêtres est légitime, ils ont faits ce que nous sommes". ///The idea of Europe, Lecture delivered at the Tenth Nexus Lecture 2004, titled as The idea of Europe, the reknown scholar and humanist George Steiner asked a sequence of questions: why would we need an idea of Europe in order to conduct the day to day business of the European Union? How are we to bridge reality and the European ideal ? nexus-instituut
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vendredi 13 mai 2011
mardi 22 mars 2011
UNDER DESTRUCTION
The current state of the world continues to send me to the Under Destruction exhibition, view last January in Tinguely Museum and Tinguely's "Study for an End of the World".//
L'état actuel du monde ne cesse de me renvoyer à l'exposition Under Destruction, vue en janvier dernier au Musée Tinguely (Bâle) et aux travaux de Tinguely comme ses "études pour la fin du monde".//
Under Destruction is a group exhibition, featuring twenty internationally known contemporary artists, that examines the use and role of "destruction" in contemporary art. Fifty years after Jean Tinguely's historic Homage to New York (1960) the present exhibition proposes a series of alternative approaches to a theme traditionally associated with the more spectacular and inherently protest-oriented work of Jean Tinguely, Gustav Metzger and others in the 50s and 60s. "If nothing can be created, something must be destroyed", is how Rosalind Krauss succinctly summarized Georges Bataille's La part maudite (The Accursed Share, 1949). While this phrase can basically describe the ethos of Under Destruction, the exhibition raises the stakes normally linked with such a deleterious theme. Not only does it explore the various modes of destruction in art, but, more importantly, it also addresses to what ends it is implemented. Indeed, the exhibition reflects on the subject from a series of angles, perceiving destruction as everything from a generative force to environmental memento mori, and from consumer fallout to a form of poetic transformation.
Predominantly kinetic, the show largely consists of works whose mechanisms reveal themselves in real time to the viewer. The strikingly spectacular nature of some works is complemented by an unexpected sense for subtlety and quietude in other works, the combination of both progressively revealing the rich diversity of destruction in contemporary art. Under Destruction can be divided up into a series of overlapping themes and categories, which are anything but hard and fast, and which inevitably blur in and out of one another.
/// Under Destruction est une exposition collective organisée autour des œuvres de vingt artistes contemporains de renommée internationale, qui examine le rôle et l'usage de la « destruction » dans l'art contemporain. Cinquante ans après l'historique Hommage à New York (1960) de Jean Tinguely, la présente exposition propose une série d'approches alternatives à cette thématique traditionnellement associée à l'œuvre plus spectaculaire et fondamentalement contestataire de Jean Tinguely, de Gustav Metzger et de quelques autres dans les années 1950 et 1960. «Si rien ne peut être créé, commençons par détruire», disait lapidairement Rosalind Krauss en résumant en peu de mots La part maudite de Georges Bataille (1949). Cette phrase n'est pas sans rapport avec le propos de Under Destruction, mais l'exposition dépasse les associations qu'évoque normalement un sujet aussi délétère. Non contente de fouiller les diverses instances de destruction dans l'art, elle cherche à en comprendre les finalités. En effet, l'exposition se penche sur le sujet sous de multiples aspects, qui vont de la destruction en tant que force générative au memento mori, des rebuts de notre ère de consommation à une mode de transformation poétique. Cinétique avant tout, elle privilégiera les œuvres dont le mécanisme se révèle en temps réel au visiteur. Aux manifestations spectaculaires prévisibles se mêlera une note plus inattendue de subtilité et de calme, dont la combinaison fera apparaître de façon graduelle la variété de la destruction dans l'art contemporain.
samedi 22 janvier 2011
vendredi 31 décembre 2010
samedi 27 novembre 2010
Memento mori, Installation View, Kunstverein Freiburg
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© Anne Immelé Memento mori, Installation View |
"Die Bildfolge Memento mori schildert die Verwundbarkeit, die unbeständige und sterbliche Eigenschaft aller Wesen oder Dinge. Indem die Fotografie nur das Erscheinungsbild unserer Umgebung und der für uns bedeutende Menschen zeigt, hinterfragt sie das Vergängliche der Dinge und der Leben. Die Bildfolge assoziiert teilweise gelöschte Polaroïdbilder aus den 60iger Jahren und digitale Bilder, die mit dem Erscheinungsvorgang spielen. In diesen Bildern, die « nie endende Augenblicke » zeigen, wird die spektrale Dimension der Fotografie hervorgerufen." Anne Immelé (Überstzung Sabine Clochey)
La séquence Memento mori figure la vulnérabilité, la nature instable et mortelle de tout être ou chose. En ne montrant que l’apparence de ce qui nous entoure, des êtres qui nous sont chers, la photographie questionne le caractère éphémère des choses et des vies. La séquence associe des polaroids, en partie effacés, datant des années 1960 avec des images numériques qui jouent sur le processus d'apparitions. La dimension spectrale de la photographie est convoquée dans ces images qui montrent des "instant qui n’en finissent pas" .
Time and Motion Study | Regionale 11 | 26.11.2010 - 02.01.2011
Kunstverein Freiburg e.V.
Dreisamstr. 21
79098 Freiburg
Kunstverein Freiburg e.V.
Dreisamstr. 21
79098 Freiburg
samedi 25 septembre 2010
70 ans de la mort de W.B.
"... la route qui menait à Port-bou, à pied, par-delà la montagne, relativement courte et point trop pénible, était bien connue, et la police frontalière française ne la gardait pas. Mais pour Benjamin, qui était malade du coeur, cela devait signifier un grand effort, et il est sans doute arrivé dans un état grave d'épuisement. Lorsque le petit groupe de réfugiés auquel il s'était joint atteignit la frontière espagnole, il se révéla soudain que les Espagnols avaient ce jour-là fermé la frontière et que les douaniers ne reconnaissaient pas les visas fait à Marseille. Les réfugiés devaient donc retourner en France le jour suivant par le même chemin. Benjamin se suicida durant la nuit, et ces compagnons furent alors autorisés par les gardes-frontière, quelques peu impressionnés, à gagner le Portugal. L'embargo sur les visas fut levé quelques semaines plus tard. Un jour plus tôt, Benjamin serait passé sans difficulté; un jour plus tard, on aurait su à Marseille qu'il n'était pas possible à ce moment de passer en Espagne. C'est seulement ce jour là que la catastrophe était possible."
Hannah Arendt, Walter Benjamin, 1892-1940
Walter Benjamin s'est donné la mort il y a 70 ans, à Port Bou dans la nuit du 25 au 26 septembre.
Expecting repatriation to Nazi hands, Walter Benjamin killed himself with an overdose of morphine tablets on the night of 25 September 1940, yet the official Portbou register records 26 September 1940 as the official date of death.
dimanche 13 juin 2010
Amaryllis, Jan-Claire Stevens
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Amaryllis, Jan-Claire Stevens |
Amaryllis de Jan-Claire Stevens, est un film super 8 retranscrit en vidéo 4. C'est une succession de dessins au fusain témoignant du cycle complet de la vie d'une de ces fleurs, filmés et projetés sur un papier à dessin.
FEW, Wattwiller
samedi 24 avril 2010
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© Anne Immelé, from the serie Memento mori |
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© Anne Immelé, from the serie Memento mori |
lundi 26 janvier 2009
L’inconnue de la Seine
« Quand je résidais à Eze, dans la petite chambre (agrandie par une double perspective, l’une ouverte jusqu’à la Corse, l’autre par-delà le Cap Ferrat) où je demeurais le plus souvent, il y avait (elle y est encore), pendu au mur l’effigie de celle qu’on a nommée « l’inconnue de la Seine » une adolescente aux yeux clos, mais vivante par un sourire si délié, si fortuné (voilé pourtant), qu’on eût pu croire qu’elle s’était noyée dans un instant d’un extrême bonheur. Si éloignée de ses œuvres, elle avait séduit Giacometti au point qu’il recherchait une jeune femme qui aurait bien voulu tenter à nouveau l’épreuve de cette félicité de la mort. »
Maurice Blanchot, Une voix venue d'ailleurs
« le mouleur que je visite chaque jour a deux masques accrochés près de sa porte. Le visage de la jeune qui s'est noyée, que quelqu'un a copié à la morgue parce qu'il était beau, parce qu'il souriait toujours, parce que son sourire était si trompeur ; comme s'il savait. »
Rainer Maria Rilke, Les carnets de Malte Laurids Brigge
dimanche 28 janvier 2007
Rémy Zaugg – Mon voisin la mort et la perception
Dans la présentation de la collection du Zentrum Paul Klee, Rémy Zaugg réfléchit dans l’une de ses dernières œuvres sur la célèbre formule de Paul Klee: «L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible». C’est sur cette phrase que Paul Klee ouvre son essai Schöpferische Konfession (Confession créatrice) de 1920, un credo novateur: l’art ne copie pas la réalité, il invente des réalités. Dans la séquence dédiée à Klee, Zaugg thématise la dissolution du visible: l’écriture de couleur blanche se (con)fond avec l’arrière-plan. Cette thématique de la disparition s’impose dans plusieurs groupes d’œuvres de l’artiste. A l’effacement du visible répond la disparition de la vie – la mort –, qui joue également dans l’œuvre de Rémy Zaugg un rôle fondamental. L’artiste comprend la mort comme une limite infranchissable à la perception. Tandis que la cécité est la mort de la vue, la mort est la fin de toute perception. L’exposition se construit autour du groupe d’œuvres Vom Tod II. Il s’agit de 27 panneaux sur le thème de la vie et de la mort. En lettres colorées sur un fond de forte intensité lumineuse, les mots UND WENN / DER TOD / ICH WÄRE apparaissent seuls, parfois avec des mots qui définissent différentes parties du corps. Ces panneaux sont complétés par d’autres panneaux, soit des séries de noms en latin ou en allemand de roches, de plantes, d’arbres, de mousses, de céréales, de fleurs, d’herbes, de lichen et de fougères. Se forme ainsi un ballet bigarré aux couleurs vives. La combinaison de l’écriture avec le fond luminescent assaille la rétine, irrite la vue. On s’imagine vivre la dissolution de la perception visuelle –inéluctablement liée à la fin physique. La mort donne ici dans le tape-à-l’œil sans se laisser appréhender pour autant.
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