mardi 31 mai 2011

Geschichtsmüde

© A.Immelé, Berlin, mai 2010



"Toutes les villes sont géologiques et l’on ne peut faire trois pas sans rencontrer des fantômes, armés de tout le prestige de leurs légendes. Nous évoluons dans un paysage fermé dont les points de repère nous tirent sans cesse vers le passé."  Gilles Ivain, Formulaire pour un urbanisme nouveau, revue internationale situationniste N°1, 1958.


Dans sa conférence The idea of Europe / Une certaine idée de l'Europe, George Steiner rappelle la souveraineté du souvenir qui domine l'Europe. Il prend pour exemple les plaques de rue au noms de penseurs, écrivains, scientifiques ou les vieux quartiers de villes telles que Dresde ou Varsovie, pour invoquer la coexistence des temporalités, qui provoque pour le promeneur une déambulation entre des spectres matérialisés : " Il est très difficile de traduire en mots la chaleur, l'aura que le temps authentique, le temps qui est un processus vécu, donne au jeux de lumière sur la pierre, dans les cours, les faîtes de toits. Dans l'artifice de la reconstruction, la lumière a un goût de néon." Mais ce poids du passé, s'il est un héritage culturel, n'en demeure pas moins un problème : "Un européen lettré est captif dans la toile d'araignée d'un In memoriam à la fois lumineux et suffocant." George Steiner souligne l'importance de ce poids du passé,  mais aussi sa lourdeur, sa capacité à empêcher d'aller vers l'avant, vers le futur et le progrès. En cela il oppose la culture européenne et américaine, qui récuse ce tissage du passé. Dans ces notes George Steiner utilise le mot allemand "Geschichtsmüde", qui signifie "fatigué de l'histoire", mot ancien qui l'obsède. Cette conception d'une Europe habitée par les spectres du passé, n'est pas sans nous rappeler cette "pensée de la trace" que l'on trouve chez Derrida.



Cette souveraineté du souvenir rappelle la constitution des identités nationales qui procèdent par la construction d'une histoire établissant la continuité avec les lointains ancêtres. Dans "La création des identités nationales en Europe 18e-19e siècle", Anne-Marie Thiesse explique comment les identités nationales européennes se sont construites au XVIIIe siècle, à partir de quelles procédures - ancêtres, héros, langues, folklore, hymne, drapeau, monuments culturels. Se demandant de quoi est constituée une nation,  Anne-Marie Thiesse rappelle cette citation d'Ernest Renan : " C'est un riche leg de souvenirs. Le culte des ancêtres est légitime, ils ont faits ce que nous sommes". ///The idea of Europe, Lecture delivered at the Tenth Nexus Lecture 2004, titled as The idea of Europe, the reknown scholar and humanist George Steiner asked a sequence of questions: why would we need an idea of Europe in order to conduct the day to day business of the European Union? How are we to bridge reality and the European ideal ? nexus-instituut










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