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© Gauthier Sibillat, Nocturne, 2012 |
Cette première collaboration entre la Biennale de la photographie de Mulhouse, T66 et L6, donne lieu à une exposition d’artistes issus de la Région des 3 frontières (France-Allemagne et Suisse) se questionnant sur ce qui constitue le paysage urbain. Les oeuvres réunies interrogent les modalités propres au paysage de ville, elles ont pour point commun de décrypter le visible autant que de le construire et de l’inventer.
En 1967, Michel Foucault écrit que certains espaces sont animés par une «sourde sacralisation ». Ces espaces sont déterminés par des oppositions, comme entre le public et le privé, l'espace familial et social, l'espace du travail et celui des loisirs.
Photographier les coulisses du paysage urbain, c’est se questionner sur notre société en explorant l’inconscient de la ville, en arpentant les passages et les abords, en montrant et mettant en scène des relations hétérotopes et des interstices. Le paysage revêt ici différentes formes. Il peut se passer de ligne d'horizon et n'est pas nécessairement un fragment de nature, mais peut tout aussi bien être découvert dans la sphère privée ou dans la confrontation entre différentes architectures.
Avec Street Views (2010-2014) Christian Knorr revisite les vedute, ces peintures du 18e siècle, réalisées grâce à une camera obscura et liées aux plans topographiques des villes naissantes. Ces photographies sont autant de mises en abîme du regard d’un « citadin-photographe » sur des espaces urbains spécifiques et scénographiés.
Dans la série Sapporo (en cours), Pierre Filliquet questionne la place de l’homme dans une ville engloutie sous la neige. La ville garde une ambiance de territoire nouvellement conquis : les hommes y sont encore par de multiples aspects, des pionniers. La présence de la nature sauvage toute proche et les traces architecturales des premiers habitants forment « l’envers du décor » des représentations stéréotypées de la ville japonaise, telle que montrées en occident.
Dans Sans titre (2014) de Gauthier Sibillat, le caractère magistral et grandiose d’un panneau d’affichage est contrebalancé par une esthétique de la ruine. Dans Enclos (2014), il montre des lieux de passages indéterminés, en périphérie des villes, qui sont autant de coulisses de nos paysages urbains en expansion. Gauthier Sibillat a créé des dispositifs en bois pour montrer ces photographies dans l’espace. Les structures de bois soutenant les photographies prennent une importance presque exagérée et deviennent les coulisses visibles et métaphoriques d’un paysage urbain caractérisé par de perpétuelles mutations, renouvellements et reconstructions.
Dans Die Wanderin (2006) et In der Nacht (2013) Florian Tiedje photographie les limites de la ville, produisant des images qui oscillent entre une topographie objective et une esthétique issue du paysage romantique, transposée dans les banlieues du 21e siècle. Le paysage est abordé dans sa dimension sociale et culturelle. Les photographies de Florian Tiedje témoignent de la fabrication du paysage dans nos sociétés contemporaines à partir de l’habitat et des zones qui l’entourent.
Dans sa série Sans titre (2013-2014) réalisées à Mulhouse et dans ses environs, Sabine Clochey crée des « paysages domestiques » en procédant par effacement de parties de décors intérieurs afin de révéler des objets d’un quotidien domestique standardisé. Ces objets utilitaires ou décoratifs, issus d’espaces publics (école, gare) ou privés (habitations) ne sont pas vecteurs d’imaginaire, mais s’inscrivent dans une « matité » du réel urbain. C’est la relation entre l’intérieur et l’extérieur, entre les objets et leur environnement urbain qui caractérise le paysage.
Dans la série Freude am Leben (2001-2003/2005) de Simone Demandt, les objets domestiques accumulés dans des garages de banlieues pavillonnaires allemandes constituent eux-même un paysage. Avec humour, l’artiste réalise cette série d'archives de tous les jours et documente les coulisses de nos villes en montrant des stockages d’objets ne trouvant pas de place dans la maison.
Dans le film Run #2 (2014) de Pierre Soignon, la ville est un théâtre, un lieux de présentation et de représentation. Que le piéton traverse la ville ou qu’il s'arrête devant ces fastes, le paysage urbain est construit par un parcours fait d'une succession d'espaces qui pourraient en être la coulisse, constituées de lieux en attente, en devenir ou en désuétude.
27 juin-3 aout 2014
Kunsthaus L6, Freiburg
Lameystr.6 79108 Freiburg
Vernissage le 27 juin à 19h
Acceuil Samuel Dangel, Kulturamt