lundi 5 mars 2007

Mouvance de la pensée / movement of thought



"Ce que l'on ne peut pas prouver dans le style ordinaire et dominant, doit stimuler la spontanéité et l'énergie de la pensée et - mais ce n'est qu'une image - mettre le feu aux poudres par une sorte de court-circuit intellectuel qui illumine les choses familières d'une nouvelle intensité quand il ne les consume pas complètement."
Par ces mots, T.W. Adorno qualifie les Denkbild - ces images de pensée que Walter Benjamin utilise dans Sens unique
T.W. Adorno, Sur Walter Benjamin, Paris, Allia, 1992, p. 32

dimanche 28 janvier 2007

Rémy Zaugg – Mon voisin la mort et la perception




Dans la présentation de la collection du Zentrum Paul Klee, Rémy Zaugg réfléchit dans l’une de ses dernières œuvres sur la célèbre formule de Paul Klee: «L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible». C’est sur cette phrase que Paul Klee ouvre son essai Schöpferische Konfession (Confession créatrice) de 1920, un credo novateur: l’art ne copie pas la réalité, il invente des réalités.


Dans la séquence dédiée à Klee, Zaugg thématise la dissolution du visible: l’écriture de couleur blanche se (con)fond avec l’arrière-plan. Cette thématique de la disparition s’impose dans plusieurs groupes d’œuvres de l’artiste. A l’effacement du visible répond la disparition de la vie – la mort –, qui joue également dans l’œuvre de Rémy Zaugg un rôle fondamental. L’artiste comprend la mort comme une limite infranchissable à la perception. Tandis que la cécité est la mort de la vue, la mort est la fin de toute perception.


L’exposition se construit autour du groupe d’œuvres Vom Tod II. Il s’agit de 27 panneaux sur le thème de la vie et de la mort. En lettres colorées sur un fond de forte intensité lumineuse, les mots UND WENN / DER TOD / ICH WÄRE apparaissent seuls, parfois avec des mots qui définissent différentes parties du corps. Ces panneaux sont complétés par d’autres panneaux, soit des séries de noms en latin ou en allemand de roches, de plantes, d’arbres, de mousses, de céréales, de fleurs, d’herbes, de lichen et de fougères. Se forme ainsi un ballet bigarré aux couleurs vives.


La combinaison de l’écriture avec le fond luminescent assaille la rétine, irrite la vue. On s’imagine vivre la dissolution de la perception visuelle –inéluctablement liée à la fin physique. La mort donne ici dans le tape-à-l’œil sans se laisser appréhender pour autant.



Du 3 février au 3 juin 2007
Vernissage: Vendredi 2 février 200718 heures, Auditorium
Accueil et introduction
Visite de l’exposition
Apéro
Michèle Zaugg-Röthlisberger, commissaire de l’exposition    
Le Zentrum Paul Klee consacre aujourd’hui à l’artiste Rémy Zaugg – décédé peu après la réalisation de la commande du Zentrum Paul Klee – une exposition commémorative.


mercredi 10 janvier 2007

Arnaud Maillet, Le Miroir noir / The Claude Glass

" Le miroir noir assure donc une respiration à la vue. Or, comme l’a écrit J. Derrida, le clin d’œil n’est pas autre chose aussi qu’une respiration de la vue. Le clin d’œil, c’est la vitesse absolue de l’instant, le moment critique par excellence, car la vue ne voit plus, elle est aveuglée. Mais c’est justement dans cet instant critique, cette suspension de la perception, que la vue se réalise et se constitue. Le miroir noir, comme le clin d’œil, plonge l’organe de la vue dans un aveuglement, mais qui n’en est pas moins salutaire. Car cet invisible que révèle le miroir ou le clignement n’ont rien à voir avec un invisible qui s’opposerait au visible, de façon plus ou moins dialectique – un autre monde, un double… Au contraire, le clin d’œil comme le miroir noir montrent que l’invisible est constitutif de la vue même, faisant partie du visible, ainsi que la tache aveugle, punctum caecum, qui a partie liée avec la vision dès son origine même "

Arnaud Maillet, Le Miroir noir. Enquête sur le côté obscur du reflet, Kargo, (2006)

Pour consulter le livre en ligne : http://books.google.fr

Première étude sur un instrument d’optique largement oublié, Le Miroir noir recadre notre compréhension historique de l’expérience visuelle et les diverses significations possibles du miroir noir en mettant cet objet ambigu en relation avec les notions de transparence, d’opacité et d’imagination. /
 
In this first full-length study of a largely forgotten optical device from the eighteenth century, Arnaud Maillet reconfigures our historical understanding of visual experience and meaning in relation to notions of opacity, transparency, and imagination. Many are familiar with the Claude glass as a small black convex mirror used by artists and spectators of landscape to reflect a view and make tonal values and areas of light and shade visible. In a groundbreaking account, Maillet goes well beyond this particular function of the glass and situates it within a richer archaeology of Western thought, exploring the uncertainties and anxieties about mirrors, reflections, and their potential distortions. He takes us from the magical and occult background of the "black mirror," through a full evaluation of its importance in the age of the picturesque, to its persistence in a range of technological and representational practices, including photography, film, and contemporary art. The Claude Glass is a lasting contribution to the history of Western visual culture.

Arnaud Maillet Author of "The Claude Glass: Use and Meaning of the Black Mirror in Western Art". Art Historian with a PhD from the University of Paris I. Currently teaching in Strasbourg, France, also working on new research and writing relating literary and aesthetic theory to the arabic practice of divination on black pools of ink.