mardi 27 décembre 2011

Markus Raetz à la BNF



"L’espace d’exposition de la BNF (Richelieu) apparait comme un sanctuaire gris, calme, apaisant. C’est dans cet écrin neutre, que se déploie l’œuvre de Markus Raetz : des estampes réalisées avec des techniques diverses comme l’héliogravure, l’aquatinte, et autres procédés d’impression, mais aussi quelques volumes et sculptures. Qu’il s’agisse de deux ou de trois dimensions, ce qui semble intéresser l’artiste est l’émergence d’une image, son apparition, puis sa présence, ainsi que l’ambiguïté et la multiplicité de sa perception. Certaines œuvres illustrent littéralement cette variation de la perception, comme Crossing où des polices de caractères en laiton se transforment de YES en NO selon la position d’où l’on regarde, ou dans l’héliogravure ME/WE, ou ME se transforme en WE dans un miroir.
PERSON D est une séquence de huit aquatintes (1985) qui permettent de percevoir un visage, selon des perceptions variables ; le visage d’abord très pâle, disparaît peu à peu dans l’obscurité. Au départ nous observons ce visage, dont nous distinguons les traits, puis, peu à peu, c’est le visage qui nous regarde, car seuls les yeux sont visibles, présents.
D’autres œuvres s’attardent sur ce qui permet l’émergence d’une image, matérialisant le regard lui-même comme dans  VISION (aquatinte, 1985-86) ou dans VUES (eau-forte, 1991), le regard y est matérialisé par des faisceaux.  VUES BINOCULAIRE (héliogravure, 2001 et ses variations, dont GAZE, aquatinte de 2001, utilisée pour la couverture du catalogue et pour l’affiche) figure la vision vers l’horizon à travers deux cercles qui rappellent l’usage des jumelles. Ainsi Markus Raetz rend tangible la place du regardeur et les conditions matérielles d’un regard tourné vers l’horizon. L’horizon, notion qui a elle seule résume l’idée occidentale de paysage. Nous retrouvons l’horizon au centre de Zeemansblick, une tôle de zinc  découpée en forme d’image binoculaire, qui reflète les lumières et les teintes de la salle d’exposition, dans des tonalités bleutées de la mer (photo 2), d’où le titre qui indique cet effet visuel comme étant le regard que le marin lance vers le lointain. Un pli dans la tôle donne l’illusion de la ligne d’horizon entre mer et ciel.
Du paysage, il en est aussi question dans la suite de sept aquatintes  "NO W HERE" (photo 1): « Il suffit de quelques traits de pinceau à l’eau-forte, morsure directe, répartis sur la plaque, pour que se déclenche l’illusion du paysage, un paysage imaginé. » lit-on dans le catalogue de l’exposition (p.61). Ces paysages rappellent les aquarelles de Victor Hugo et les paysages romantiques dans une conception du paysage comme « extension d’une intimité ». Les paysages sont introduits par les mots NOWHERE, (planche de titre, gravure au criblé) offrant une double lecture (now here / no where). Le paysage n’est pas immuable, il existe dans une relation avec le regard qui le construit, ou tout du moins en pose quelques contours comme le fait Markus Raetz avec des zones colorées qui sont autant d’indications de profondeur et d’atmosphère. Face aux paysages de Raetz, je pense à La pensée-paysage, livre de Michel Collot paru récemment chez Actes Sud et à la manière dont Michel Collot envisage le paysage comme phénomène « qui n’est ni une pure représentation ni une simple présence, mais le produit de la rencontre entre le monde et un point de vue. » (p.18)
Lignes, ombres, visions, trames colorées autant d’élément constitutif d’une image créée à partir de procédés d’empreinte, de morsure, de procédés physiques et chimiques bien loin de l’image virtuelle ; autant d’éléments qui constituent une image à la dimension auratique.
L’exposition s’achève sur l’image du cercle, notamment avec un tampon rouge qui figure un anneau de Moebius, dont les faces internes et externes sont indiscernables et qui me rappelle ce chemin-tournant du poème de Pierre Reverdy :
"Il y a un terrible gris de poussière dans le temps / Un vent du sud avec de fortes ailes / Les échos sourds de l'eau dans le soir chavirant / Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant / des voix rugueuses qui se plaignent (…) Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte / règle le mouvement et pousse l’horizon / (…) »
(à lire intégralement dans Pierre Reverdy, Sources du vent, poésie/Gallimard, p.63)" Anne Immelé 

Markus Raetz, Estampes / sculptures, du 8 novembre 2011 au 12 février 2012 Bibliothèque Nationale de France  

samedi 17 décembre 2011

BERNARD PLOSSU / Hors saison



Ce lundi matin pluvieux a été l'occasion de rencontrer Bernard Plossu. Invité par Philippe Schweyer, Bernard Plossu est venu à Mulhouse pour un dimanche après-midi de signature du livre FAR OUT, sorti chez médiapop il y a quelques mois. 
Dehors la grisaille de décembre, et dedans nos regards qui parcourent quelques images issues du voyage mexicain, des Saisons andalouses ou encore du Plossu / so long, autant de livres habités par les voyages, la frontière et le sud.  Du sud, il en est beaucoup question, de l'Andalousie et de ses hirondelles, du Chili de son ami Sergio Larrain, de la Ciotat et du Train de lumière. Puis d'évoquer ce cinéma fixe, cette spontanéité si prompte à l'esquisse de bribes de fictions. Cette rencontre faisait suite à un article écrit dans la revue Mulhouse-gare centrale.

jeudi 1 décembre 2011

Poétique du mouvement




Mon article "Les vues de trains ou une certaine idée de la séquence" est à découvrir dans le hors série Novo "Mulhouse gare centrale". L'article est consacré à la séquences photographiques, notamment chez Bernard Plossu : 
" Chez Bernard Plossu, la séquence fluide permet de restituer la jouissance
perceptive que constitue le travelling du train comme dans l’ouverture du livre
Cinéma fixe ? (ill.3) La mise en séquence permet de réactiver une mobilité du
regard ; ce n’est plus le mouvement initial du train, mais une mouvance du
regard du spectateur qui va activer des liens entre les photographies. Le train est
mouvement comme le cinéma3, les images prises de train peuvent se constituer
en séquences mais sans nécessité de continuité spatiale et temporelle. La
séquence fluide de Plossu commence par la collision de deux vues prises à sept
années d’intervalle, s’imbriquant selon des rapports d’opposition entre l’intérieur
et l’extérieur, brouillant l’échelle des plans."