lundi 20 février 2012

MUTABILITY

© Anne Immelé
© Anne Immelé, clouds

Sur le Campus de l'Université de Haute Alsace, à Mulhouse, j'observe des nuages qui échappent à toute gravité de la représentation. Ils se reflètent dans d'anciennes vitrines d'affichage, devenues obsolètes à l'ère où Internet a remplacé les Dazibao et autres murs d'informations dans les espace publics. Au fil des années, des mois, des jours... cette activité contemplative est un appel poétique. J'ai retranscris cet attrait pour les nuages dans un texte écrit l'été dernier, dont je livre ici un extrait :


"Entre temps, j’observe le ciel en lisant le traité écrit en 1802 par Luke Howard. Au-dessus de nous dans le ciel bleu pâle, j’observe des cirrus, ces nuages parallèles, constitués de fibres souples. Ce sont les premiers nuages qui apparaissent après une période de beau temps, ils ne sont indiqués que par quelques touches, puis ils augmentent en longueur. Ils sont annonciateurs de pluie. Luke Howard est à l’origine de la classification des nuages, utilisée aujourd’hui encore. C’était un quaker anglais, son biographe[1] décrit sa fascination pour l’observation du ciel et l’obligation d’un apprentissage austère du métier de pharmacien. Chimiste, il installa son officine dans les faubourgs londoniens. Si nous connaissons toujours les dénominations de cirrus, cumulus, stratus, c’est parce que la classification d’Howard était en latin, non en anglais ou en français comme celle de Lavoisier. Goethe – lui-même fasciné par les nuages – adopta et diffusa la classification d’Howard, il composa des poèmes pour chaque type de nuage qui furent publiés en 1817. D’autres poètes s’emparent de la classification d’Howard, comme Percy Bysshe Shelley (l’époux de Marie Shelley) qui choisit le nuage comme la métaphore du changement dans son poème Mutability, (1814).  La biographie nous apprend que, pour Howard, la nature « n’était pas gouvernée par des lois fixes, mais par un ordre mobile ».  (...) Les yeux vers le ciel au-dessus de l’Illberg, je considère Mulhouse, sous l’angle de cette mobilité que symbolisent les nuages qui vont vers le lointain. Cette mouvance est reliée à une mobilité de la pensée et de la mémoire toujours vive d’un passé qui se fait survivance, ici comme ailleurs." Extrait de TWINS CITIES, édition de la Kunsthalle, Mulhouse, à paraître en mars 2012.

[1] Richard Hamblyn, L’invention des nuages, Paris, JC Lattès, 2003.

lundi 13 février 2012

W.G. SEBALD. POLITIQUE DE LA MÉLANCOLIE



JEAN-CHRISTOPHE BAILLY AUSTERLITZ, JOURNAL D'UNE RELECTURE
29 FÉVRIER, 18H30, PETITE SALLE, CENTRE POMPIDOU
" L'idée est celle d'une approche latérale, comme si un livre était un quai auquel on accostait. Et le lieu d'un retour: ce dont on se souvient et ce dont on ne se souvient pas. Comment la relecture gagne peu à peu sur l'oubli tout en s'en nourrissant. Comment ce livre bouleversant qu'est "Austerlitz" se dépose en celui qui fait l'expérience de sa relecture."

Une programmation de Muriel Pic en écho à l'exposition W, SEBALD FICTION : « Depuis sa disparition en 2001, l’écrivain allemand W.G. Sebald a acquis une renommée internationale qui touche autant le grand public que les intellectuels et les artistes. Grâce à son usage de l’image trouvée et de la collection, son recours au document et au montage, sa prose porte notre attention sur les impondérables de l’histoire pour mieux résister à l’oubli. Sebald, qui ne conserve de Winfried Georg que les initiales, et se fait appeler Max par ses amis, s’exile dès 1966 en Grande- Bretagne. De ce pays, il hérite l’art de la fiction policière, l’humour noir et le goût du fantomatique. Sa mélancolie, elle, inextinguible, demeure comme sa langue enracinée dans son pays d’origine : avec une lucidité sans faille, Sebald pose à l’Allemagne la question de sa mémoire après la Seconde Guerre mondiale. Davantage encore, c’est à notre volonté de destruction que s’adressent les poèmes, essais et récits d’un auteur dont pas une ligne ne déroge à sa politique de la mélancolie. Politique, parce que se saisir de l’épineuse question éthique et vivre avec le risque de la mémoire, c’est s’interroger sur l’organisation sociale du malheur. Mais aussi se donner une chance, malgré un déterminisme des rapports de force, de penser l’organisation sociale du bonheur. Mélancolique, parce que les yeux écarquillés face à la démesure de la catastrophe, Sebald avance vers notre passé et nous intime de comprendre autant que de devenir. »
UN NOUVEAU FESTIVAL / TROISIÈME ÉDITION DU 22 FÉVRIER AU 12 MARS 2012 AU CENTRE POMPIDOU. Avec Muriel Pic, Martine Carré, Jean-Christophe Bailly, Martin Rueff, Ulrich von Bülow et Jürgen Ritte. RDV les 23-02 / 27-02 / 29-02 / 1-03 / 02-03 / 08-03

samedi 11 février 2012

La leçon de Nuages / Lecţia Norilor

 © Anne Immelé, Essai d'impression pour les drapeaux-nuages, 
Defill, Thann, janvier 2012
"Pour les bourlingueurs, les nomades, les pèlerins et les bannis du temps jadis, l’expérience du chemin était une partie importante du voyage. Qu’il fût bon ou mauvais, oppressant ou sauveur, cheminer voulait dire s’exposer. En cheminant on se transformait comme les nuages du ciel. En chemin, on apprenait beaucoup de ce qu’on voyait, ou on tombait malade des fléaux qui sévissaient aux carrefours ; on était dépouillé ou on trouvait son amour ; on s’égarait ou on trouvait Dieu. Pour Darwin, la traversée sur le célèbre Beagle (voyage sur lequel il écrivit son premier livre) s’avéra tout aussi pertinent pour la découverte de l’évolution que l’exploration des Galapagos. Le voyage et son but étaient beaucoup plus équilibrés entre eux que de nos jours, où l’aspect le plus préoccupant de la façon d’arriver de Timisoara à Chicago est le prix du vol et les kilomètres gagnés." Extrait de Tinu Parvulescu La leçon de Nuages, à paraître dans Anne Immelé TWINS CITIES, édition de la Kunsthalle, Mulhouse. cette publication est en lien avec le projet BUT...THE CLOUDS / QUE...NUAGES
Tinu (Constantin) Parvulescu est écrivain. Il enseigne à l’Université de Timisoara. Il a publié deux romans Prima-Vera et The Dwarf’s Whisper, ainsi que plusieurs articles sur l'histoire du cinéma. Il est co-rédacteur du Blackwell Companion to Historical Film.